Chaque année, les célébrations de l’Aïd en Algérie sont rythmées par la musique d’Abdelkrim Dali. Le 21 février a marqué le 40ème anniversaire de sa disparition.
Après un mois de ramadan imprégné par la spiritualité et le partage, les célébrations de l’Aïd el-Fitr (fête de la rupture du jeûne) rythment le quotidien de nombreux foyers algériens. L’Aïd el-Fitr se déroule lors du premier jour du mois de chawwal – le dixième mois du calendrier lunaire musulman – et est surnommé au Maghreb la « petite fête », ou Aïd el-Seghir, en opposition à la « grande fête » de l’Aïd el-Adha ou fête du sacrifice.
Pendant la journée, l’aumône (zakat) de la rupture du jeûne destinée au plus démunis est acquittée pour ceux qui n’ont pas eu l’occasion de le faire pendant le Ramadan, et une prière commune de l’Aïd a lieu en début de matinée.
En Algérie, l’Aïd el-Fitr est l’occasion de nombreuses traditions resserrant les liens communautaires : les voisins, amis et familles se rassemblent autour de repas et de pâtisseries préparés pour l’occasion, les enfants portent leurs plus beaux habits et reçoivent des cadeaux ou friandises.
Entre un café accompagné d’un griwech et un couscous, une mélodie s’élève depuis 1969 dans les postes de télévision et de radio du pays. Cette chanson est progressivement devenue emblématique de l’Aïd dans la nation d’Afrique du Nord et s’est forgée une place unique chez les familles algériennes.
Il s’agit de « Mezzynou n’har el youm, saha aidkoum », un morceau de l’un des maitres de la musique arabo-andalouse, Abdelkrim Dali.
L’artiste originaire de Tlemcen, au nord-ouest du pays, est issu d’une famille de mélomanes. Il est initié dès son jeune âge à la musique arabo-andalouse gharnati de la région, et joue aussi bien au r’bab, au violon, au ney, qu’au oud. L’originalité de l’apport d’Abdelkrim Dali est alors sa capacité à réunir deux grandes écoles du genre, à savoir le gharnati de Tlemcen et la sanaâ d’Alger.
Le gharnati (nom dérivé de la ville de Grenade en Espagne) et le sanaâ désignent respectivement les répertoires tlemcénien et algérois de musique arabo-andalouse, un genre dont l’implantation au Maghreb a commencé durant la période d’Al Andalus et qui s’est accélérée suite à l’expulsion des musulmans et des juifs de la péninsule ibérique durant et après la Reconquista.

Photo : Timbre-poste à l’effigie d’Abdelkrim Dali pour le centenaire de sa naissance
C’est d’abord à travers son apprentissage qu’il est exposé à l’école d’Alger. Il participe ensuite en 1940 au lancement de la Radio-Alger et intègre son orchestre en tant joueur de oud. Il devient enseignant à partir de 1951 à l’École municipale de musique de Hussein Dey, puis au Conservatoire municipal d’Alger en 1957.
Icône de l’école de Tlemcen, il se voit attribuer en 1965 une chaire au Conservatoire d’Alger et devient conseiller en 1971 en musique andalouse à l’Institut national de musique. Le maitre musical dévoué à la création artistique et à la sauvegarde du patrimoine a su allier avec brio les styles algérois et tlemcéniens. Un pari difficile mais dont la réussite a permis d’assurer la survie d’un riche répertoire arabo-andalous algérien.

Photo : Aujourd’hui, des artistes à l’instar de Lila Borsali assurent la relève pour sauvegarder le patrimoine arabe-andalous d’Algérie et célèbrent l’apport d’Abdelkrim Dali au patrimoine culturel du pays.
Cette année, le 21 février a marqué le quarantième anniversaire de sa disparition. Sa dynamique fondation, la Fondation Cheikh Abdelkrim Dali, mise en place par des passionnés de son répertoire afin de préserver son apport à la musique classique algérienne, a quant à elle fêté ses dix ans le 10 mai. Véritable fédérateur des différentes écoles de musique arabo-andalouse du pays, son œuvre occupe une place sans pareil au sein du patrimoine algérien, notamment à travers sa chanson au texte du poète Mohamed Ben Msayeb, « Mezzyanou n’har el youm, saha aidekoum », qui rythmera les célébrations de nombreux Aïd à venir.
Photo : Fondation Cheikh Abdelkrim Dali – Soirée ramdanesque du 2 juin 2018, à Alger