Distanciation, confinement et port du masque, le mois du Ramadan a profondément été affecté par la crise sanitaire mondiale. Alors que la période est traditionnellement symbole de partage, de rassemblement et de communauté, c’est avec appréhension que les foyers algériens ont accueilli le mois de jeûne, et ce non seulement du fait des craintes liées à la propagation de la pandémie, mais également en raison des conséquences de la crise économique, du rationnement de l’eau et de l’envolée des prix des denrées alimentaires dans le pays.

Si certaines pratiques, notamment culinaires et de solidarité envers les plus démunis, persistent malgré le contexte difficile, d’autres à l’instar des sorties nocturnes et des rassemblements religieux ont été perturbées par la situation actuelle. Le mois sacré offre toutefois l’occasion de valoriser des traditions ancestrales typiques qui subsistent comme la poésie orale féminine de la Bouqala, et de revisiter certaines coutumes qui rythmaient les Ramadans d’antan et qui ont désormais disparu.

« Le rituel de la bouqala est un jeu traditionnel de divination. Des femmes se réunissent autour d’une officiante, souvent une vieille femme, et chacune dépose un bijou dans un récipient en terre. L’officiante récite un poème, puis une jeune fille prend au hasard l’un des bijoux. Celle à qui il appartient doit trouver dans le poème récité ce qui peut éclairer sa vie, ses amours, lui annoncer des départs, des joies ou des malheurs. »

Extrait du livre La Bouqala par Mohamed Kacimi et Rachid Koraichi

Photo : iñaki do Campo Gan – Bouqala avec l’artiste Souad Douibi

Parmi celles-ci, on compte dans des villes dont Alger, Tlemcen et Constantine ou encore la région de Kabylie la préparation des foyers avec le grand nettoyage et renouvellement des espaces de vie, de la vaisselle et des cuivres avant le mois de jeûne pour accueillir « l’illustre hôte ». De l’enduit à la chaux était appliqué sur les murs des maisons pour blanchir les façades et les familles s’approvisionnaient dans les souks en denrées alimentaires non-périssables.

Dans les villages de Kabylie ou à Tlemcen, le premier jour était annoncé avec des signaux de fumée, relayés par les bourgades environnantes. Un « crieur public » et une troupe musicale déambulaient ensuite dans les ruelles pour répandre la nouvelle, une pratique également présente dans d’autres villes du pays dont la capitale.

Photo : Soirée ramadanesque à Constantine dans les années 1950 – Ammar Bourghoud

À Alger, la rupture du jeûne (l’iftar) était signalée par l’imam de Djamaa el Kebir (la Grande mosquée), tandis que les mosquées alentours relayaient l’appel du Muezzin. Des coups de canon annonçaient également la rupture du jeûne dans la capitale, dans la vallée du M’zab, à Constantine, ou encore à Tlemcen. L’heure du s’hour était quant à elle alertée par le « crieur de rue » accompagné de son bendir ou tambour dans de nombreuses régions du pays, tandis que dans des villes comme Tlemcen, le Muezzin se chargeait exclusivement de cette annonce.

Les aliments et repas cadençant la rupture du jeûne font encore partie du paysage culinaire du pays, bien qu’ils n’étaient pas préparés régulièrement car la frugalité était de mise. Ces mets typiques du Ramadan incluent entre autres les dates, le leben, la chorba, le pain matlou, le bourek et l’ham lahlou (tajine de viande sucrée aux pruneaux). Comme il est toujours de vigueur, les veillées en famille étaient quant à elles accompagnées de thé à la menthe ou de café avec des confiseries dont la zlabia, le qalb el louz, le maqrout et la baqlawa.

L’entraide marquait le mois sacré : les familles nécessiteuses étaient recensées avant le Ramadan afin que la communauté puisse leur apporter de l’aide et une collecte de dons était organisée avant la fin du mois de jeûne pour acheter, sacrifier, partager et distribuer des parts de viande pour l’aïd. Les commerçants et agriculteurs participaient aussi activement à cette forme de Touiza, et baissaient les prix ou offraient des produits alimentaires aux plus démunis.

Photo : Abdeslam Kibiche – Ramadan à Blida

Le mois était également l’occasion de la célébration de rites de passage importants dont les premiers jeûnes des enfants et les circoncisions le 27ème jour du mois (durant la « nuit du Destin »). La dernière semaine du mois du Ramadan était pour sa part consacrée aux préparatifs des festivités de l’Aïd al fitr, ou Aid esseghir.

Mois de partage et de spiritualité, le Ramadan en Algérie garde les parfums et les saveurs caractéristiques de la période sacrée. Bien que la pandémie et le contexte socio-économique aient profondément affecté les célébrations publiques, le Ramadan en Algérie restera marqué par la résilience et la générosité des Algériennes et Algériens.

Photo : Abdeslam Kibiche – Ramadan à Blida

Image : Mohamed Racim – Nuit de Ramadhan

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