Cet article fait partie de notre dossier sur la Casbah d’Alger. Pour lire la première section portant sur ses origines et ses caractéristiques, cliquez ici.
L’urbanisme vernaculaire algérois a inspiré de nombreux artistes, notamment à travers le courant orientaliste mais aussi de multiples architectes à l’instar d’André Ravereau qui affirmait que le « site créa la ville » ou encore Le Corbusier qui, dans Ville radieuse, affirme que les terrasses de la Casbah regardent toutes vers la mer nourricière apportant souvent le bien mais aussi les mauvaises nouvelles de marins et galères disparus. Ce dernier découvre à travers ses voyages dans la Casbah d’Alger et au M’zab que l’architecture est plus une organisation dynamique de l’espace qu’un spectacle.
« L’architecture arabe nous donne un enseignement précieux. Elle s’apprécie à la marche, avec le pied : c’est en marchant, en se déplaçant, que l’on voit se développer les ordonnances de l’architecture. C’est un principe contraire à l’architecture baroque qui est conçue sur le papier autour d’un point fixe théorique.
Tout est encore debout dans La Casbah d’Alger engorgée ; tous les éléments d’une architecture infiniment sensible aux besoins et aux goûts de l’homme. La ville européenne peut tirer un enseignement décisif, non qu’il s’agisse d’ânonner un glossaire d’ornements arabes, mais bien de discerner l’essence même d’une architecture et d’un urbanisme. »
Le Corbusier
L’organisation spatiale de la Casbah d’Alger reflète en effet la vie sociale avec ses terrasses privées, ses souks, ses points d’eau (fontaines ou puits), ses mosquées et ses mausolées de saints locaux tel Sidi Abderrahman, saint patron d’Alger.
La basse Casbah est traditionnellement le lieu de pouvoir et d’échange de l’ancienne ville. Toutefois, suite à la destruction d’une bonne partie de celle-ci, il ne subsiste actuellement que la haute Casbah incluant la citadelle ottomane et le dernier palais du Dey. Les remparts dont les nombreuses portes de la ville sont partiellement rasées mais subsistent à travers la toponymie à l’instar de Bab el-Oued (porte de l’oued M’kacel qui s’écoule à partir de Bouzareah) ou encore Bab Azzoun, célèbre pour son souk consacré à l’artisanat casbadji.

Photo: Mohammed Racim, « Les terrasses de la Casbah »: n.d., Alger, Musée National de Beaux Arts d’Alger
La Casbah possède en effet un patrimoine artisanal riche, avec des vieux métiers touchant entre autres à la bijouterie, la dinanderie, la menuiserie ainsi que l’habit traditionnel.
Ces savoir-faire sont autant d’éléments participant à l’identité de la Casbah mais participent également à la transmission de la sauvegarde du patrimoine architectural et culturel. Malgré une industrie en déclin, de nombreux amoureux de la Casbah contribuent à la perpétuation de ce savoir.
La Casbah d’Alger fait face à de nombreux défis liés à l’érosion, à son statu de patrimoine habité dans un contexte de crise de logement, aux mutations de la société algérienne, ainsi qu’à sa marginalisation depuis la colonisation française. Les bouleversements qu’a vécu la société comprennent les vagues d’exode rural vers la Casbah d’habitants sans expérience quant aux savoir-faire requis pour l’entretient des maisons traditionnelles de la médina ainsi que l’exode d’une partie de ses propres anciens habitants vers d’autres quartiers d’Alger. Sa marginalisation pour sa part la laisse à l’écart du tissu urbain algérois de la nouvelle ville. Les politiques de restauration doivent alors également impliquer des stratégies de réhabilitations sociales visant à infuser à la Casbah un rôle central dans l’urbanité algéroise.