La saga des rois numides offre l’occasion d’un retour vers un épisode de l’histoire algérienne souvent méconnu.
Aujourd’hui âgé de 92 ans, Messaoud Djennas a un parcours atypique. Il passe son enfance à Belcourt, entreprend des études en médecine à Montpellier et s’engage au sein de la cause indépendantiste à partir de 1943.
Suite au cessez-le-feu, il fait partie d’un groupe de médecins prenant en charge les populations victimes de l’OAS et est subséquemment affecté par la Zone autonome d’Alger à la clinique Cervantès de Belcourt jusqu’à l’indépendance du pays.
A la suite, il se consacre entièrement à la médecine et devient professeur en 1967 puis professeur agrégé en 1970. Passionné d’histoire et de politique, il est également l’auteur de nombreux livres dont son œuvre autobiographique Vivre, c’est croire, Algérie, résistance et épopée ou encore Si Belcourt m’était conté. Parmi ses ouvrages, La saga des rois numides est l’occasion de redécouvrir un épisode souvent méconnu de l’histoire algérienne.
The Casbah Post : Merci d’être parmi nous aujourd’hui. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs?
Je suis né le 15 octobre 1925 et suis originaire d’El Aouana dans la wilaya de Jijel. J’ai passé mon enfance et effectué mes études primaires à Belcourt suite à l’installation de ma famille à Alger en 1930. J’ai entrepris des études en médecine à Montpellier où j’ai obtenu mon doctorat et achevé des études de spécialité en ophtalmologie en 1956.
Mon parcours a été marqué par mon engagement militant au sein du PPA clandestin dès 1943, et par conséquent des épisodes d’arrestations, d’emprisonnements et d’internements dans divers centres de concentration. Au lendemain de l’indépendance, j’ai consacré l’essentiel de mes activités au service de la médecine algérienne jusqu’à mon départ à la retraite en 1991. J’ai dirigé le service d’ophtalmologie du CHU Issad Hassani de Beni Messous de 1971 à 1991.
The Casbah Post : D’où vient votre intérêt pour l’histoire ? Pouvez-vous nous raconter la genèse de votre travail sur les rois numides ?
Mon intérêt pour l’histoire est directement lié a mon militantisme. On essaie en effet de découvrir les racines qui justifient l’action politique. J’ai aussi eu très tôt une passion pour la lecture des oeuvres historiques. L’histoire de l’Algérie n’était alors pas enseignée au sein des écoles françaises, l’histoire algérienne était donc un épisode occulté. Puisque la période antique était souvent ignorée, mon regard s’est posé sur elle en particulier. Au fil de mes notes, je me suis imprégné de cette histoire.
La Numidie représente la naissance du premier État de l’actuelle Algérie. Il représente le seul État authentiquement algérien. En comparaison, les dynasties musulmanes à l’instar des Rostémides ou des Hammadites n’ont régné que sur des portions du territoire. La Numidie remonte pourtant à plus de 2000 ans.
The Casbah Post : Comment a été reçu votre ouvrage ?
L’ouvrage a reçu un grand succès à travers tout le pays et en particulier en Kabylie. Il a été re-édité à plusieurs reprises. L’histoire algérienne reste en général très peu connue. Durant la colonisation, la situation était si difficile que l’intelligentsia algérienne était peu nombreuse. Au lendemain de l’indépendance, la liberté d’expression était encore relativement restreinte et il faudra attendre octobre 1988 pour voir progressivement un développement des ouvrages sur l’histoire algérienne.
The Casbah Post : Le livre a été dédié à la jeunesse algérienne. Avez-vous des conseils pour les jeunes passionné-e-s d’histoire qui aimeraient se lancer dans l’aventure ?
Pour la jeunesse algérienne, mon conseil est de ne jamais désespérer de leur pays, qu’ils soient en Algérie ou ailleurs. Il faut toujours garder espoir car l’Algérie a toujours pu s’en sortir malgré les épisodes noirs par lequel elle est passée.
« A la jeunesse algérienne, afin que nul n’oublie, le passé étant la mémoire d’un peuple, son miroir identitaire et le vecteur d’une évolution féconde. »
Extrait du livre La saga des rois numides
The Casbah Post : Avez-vous observé un regain d’intérêt au cours des dernières années pour l’identité amazigh?
Que l’on soit Marocain, Tunisien, Lybien ou Algérien, nous sommes tous d’origine amazigh. Avant l’indépendance, au moment où le mouvement de libération était entrain de s’organiser, il aurait été dangereux de soulever cette question car les nationalistes étaient au début une minorité. Il a fallut attendre les répressions du 20 aoùt 1955 au Constantinois pour voir le basculement de la population vers la cause indépendantiste. L’erreur qui a été commise par l’État algérien a été de politiser cette question après l’indépendance. Il aurait plutôt dû reconnaitre la dimension identitaire amazigh du pays à ce moment là notamment à travers l’officialisation de la langue.
The Casbah Post : Avez-vous un nouveau livre en projet?
J’avoue être au bout du chemin en ce qui concerne l’écriture. Je n’aurais jamais pensé écrire autant d’ouvrages avec ma profession de médecin et d’enseignant. J’ai le projet d’un dixième livre en tête qui s’attarde sur Jijel et sa région mais je ne sais pas si je pourrai un jour l’écrire. Que Dieu nous aide.