Les maitres de la céramique mêlent les registres et réinventent constamment le patrimoine tout en sauvegardant un savoir-faire plurimillénaire.

La céramique est une technique permettant de confectionner l’argile cuite. On peut distinguer différentes sortes de céramiques : les céramiques poreuses telles la poterie en terre cuite, qui est la technique de production la plus ancienne et identifiable à la couleur rouge ou orangée du produit; la faïence qui subit un émaillage; ou encore les céramiques vitrifiées qui incluent la porcelaine faite à base de kaolin.

Photo : Tajan – Mohammed Temman, Plat en faïence fine

La céramique est souvent reconnue comme étant le premier art du feu à apparaitre, précédant la métallurgie et le travail du verre. Le Céramique était dans la Grèce antique le quartier des potiers à Athènes dont le nom provient selon Hérodote du terme désignant l’argile, kéramos.

Elle peut alors être mobilisée dans l’architecture, notamment dans un but de couverture (tuiles) ou d’ornement (carreaux de faïence), dans l’art et l’artisanat, ainsi qu’avoir des applications industrielles.

En Algérie, le développement de la céramique s’est déroulé sur un socle plurimillénaire de poterie locale marquée par les influences phénicienne et romaine, et revigoré durant la période musulmane, en particulier lors du règne de la dynastie des Hammadites dans la Kalaa des Beni Hammad au coeur des Hauts-Plateaux XIe siècle.

La céramique demeure dans le pays l’un des secteurs d’artisanat les plus dynamiques et utilise souvent des motifs ornementaux liés aux arabesques qu’il s’agisse de calligraphie ou de décorations végétales, mais aussi des motifs géométriques issus du patrimoine national amazigh ou encore des motifs inspirés par les peintures rupestres du Tassili. Elle se perpétue également à travers les carreaux de faïence des maisons de la période ottomane ainsi que via le zellige, qui est une mosaïque contenant des éléments de faïence colorés disposés de manière géométrique dans le but d’orner des murs ou des fontaines des résidences des grandes villes du pays.

« Ces vestibules et ces cours, généralement construits en briques avec beaucoup de goût, sont pour la plupart ornés sur leurs parois de carreaux de faïence de diverses couleurs ; il en est de même des corridors et des balustrades situées à l’intérieur de ces cours, qui ressemblent aux cloîtres des monastères ; ces ouvrages entretenus avec le plus grand soin sont frottés et lavés chaque semaine. »

Diego de Haëdo, moine espagnol de l’ordre des bénédictins, qui séjourne à Alger entre 1578 et 1581

Parmi les maîtres de la céramique, l’on compte notamment le précurseur Mohamed Boumehdi. Natif de Blida, il se consacre pleinement à sa passion à la suite d’une rencontre avec l’architecte français Fernand Pouillon, avec qui il réalise et rénove de nombreux sites hôteliers et touristiques dont l’hôtel El-Djazair (ex-Saint-Georges) d’Alger.

Photo : Menos B – Hôtel El Djazair (Alger)

Surnommé le « carreleur du ciel », l’artiste habille les murs d’Alger de ses productions faites à la main à partir de son atelier à Kouba. Avec des oeuvres inspirées des miniatures de Mohamed Racim, il utilise une profusion de riches motifs arabesques et demeure une référence pour tous les céramistes algériens. Ses trois fils et élèves, Hachemi, Rachid et Toufik Boumehdi ont aujourd’hui leurs propres ateliers et perpétuent le savoir-faire familial qui s’est exprimé de la Casbah à la basilique Notre-Dame d’Afrique en passant par les mosquées, hammams, hôtels et projets de grande envergure du pays.

Photo : Binyen – L’atelier Boumehdi pour le Palais des congrès d’Oran. L’oeuvre figure parmi les plus grandes fresques en céramique au monde

De nombreux artisans en céramique d’art suivent le chemin tracé par Mohamed Boumehdi. Ils font renaître de ses cendres un savoir-faire et revisitent un pan du patrimoine algérien. C’est notamment le cas de Said Djaballah, qui étudie la céramique à l’Ecole des Beaux-Arts d’Alger et se spécialise en décoration musulmane des palais et des mosquées. Diplômé en calligraphie arabe, il forme également la nouvelle génération de passionnés de céramique dans son atelier qu’il ouvre en 1997.

L’on compte également parmi les grands noms de la céramique Mohamed Sais, aussi connu en tant que céramiste miniaturiste; l’artiste calligraphe Mohamed Chenoufi; Ali Dechicha, ainsi que Kamel Ould Ramoul, originaire de Médéa et spécialiste dans la céramique d’art, de décoration de plats, de vases et d’autres panneaux en faïence, qui enseigne son savoir en Algérie.

Photo : M-Bachir, Kamel Ould Ramoul – Aquarium

Oeuvre: Rachid Koraichi – Vasques

L’usage de la céramique ne se limite toutefois pas à l’artisanat traditionnel et peut se rencontrer dans l’univers de l’art, où les oeuvres représentent une confluence d’influences diverses.

Ainsi l’artiste plasticien et lauréat du Jameel Prize en 2011 du musée Victoria & Albert, Rachid Koraïchi utilise la céramique dans son aventure puisant dans la tradition de ses influences soufies tout en apportant une touche d’innovation en faisant dialoguer diverses cultures, écritures et spiritualités.

Aussi loin que remonte l’histoire de l’humanité, les objets d’argile sont venus d’abord de la terre.

De l’éclectisme de l’artisan-designer céramiste Tahar Ouamane, aux oeuvres figuratives donnant vie aux objets du quotidien de Belaid Mohamed, en passant par les pièces des artistes Smail Maakni, Adane Mustapha, Akram Khelifati, Hassiba Boussalem-Bendious, Zahia-Mireille Soufflet, Aziz Bacha et Ouiza Bacha, tous ont en commun un recours au patrimoine culturel algérien dans une quête du renouveau.

Qu’ils puisent leur inspiration dans les motifs issus de l’héritage amazigh, des peintures rupestres du Tassili ou de la miniature algérienne, les maitres de la céramique mêlent les registres et réinventent constamment le patrimoine tout en sauvegardant un savoir-faire plurimillénaire.

Photo : Gros & Delettrez – Mohamed Boumehdi

A PROPOS

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