Socialement engagé depuis ses débuts à la fin des années 1980, le rap algérien, bien que politiquement marginalisé, s’est graduellement imposé pour devenir un genre incontournable de la scène musicale du pays.
Le premier album de rap algérien, intitulé « Ouled El Bahdja » (Les enfants de la radieuse, en référence à la ville d’Alger), sort en 1997 sous la plume du groupe MBS. L’album connait un succès sans précédent et est suivi peu de temps après pendant l’année par l’album du groupe Double Kanon, « Kamikaz ».
L’album narre le quotidien de la jeunesse et marque les débuts d’un étudiant en génie géologique qui deviendra l’un des pionniers du hip hop nord-africain, Lotfi Double Kanon.
La popularisation du genre permet la multiplication des opportunités de promotion et de diffusion via la radio, la télévision ainsi que les concerts et festivals dans le pays. Ce dynamisme permet l’apparition de nombreux nouveaux rappeurs et groupes tels K2C, Dirty16Prod, Intik Prod, Karim OSM, Africa Jungle, Desert Boys, Cause Toujours, Secteur H, Talisman, Zenka Resistance, LAX, South Crew, Azzou HK, Hood Killer et Karim ElGang.

La popularité grandissante du rap dans le pays n’a pas diminué l’engagement de ses plumes. Ainsi, le groupe Desert Boys originaire de Ain Salah dans le sud algérien composé d’étudiants et de diplômés du quartier El-Mourabitine utilise le rap dans le but de transmettre des messages à caractère social et politique au niveau local et national. En janvier 2015, le groupe sort le morceau « Makach li radi » (Personne n’accepte ça), en opposition à l’exploitation du gaz de schiste dans un contexte de mobilisation massive. Ils signent « Samidoune » (Résistants) en mars en collaboration avec le rappeur Lotfi Double Kanon pour exprimer leur solidarité avec les manifestants écologistes.

Bien que relativement jeune, le rap algérien présente une maturité issue du contexte difficile de la décennie de violence des années 1990. En cela, il est similaire au Raï, un genre plus ancien mais profondément contestataire et façonné par l’environnement hostile de la décennie noire. Dans les deux cas, l’intérêt du public permet d’imposer en tant que genre incontournable un registre politiquement marginalisé.
Photo: Africa Jungle