Les vestiges des remparts et des portes de Tlemcen, ville située au nord-ouest de l’Algérie, témoignent de l’histoire ancienne d’une médina façonnée par les dynasties qui s’y sont succédé.
Les plus anciennes traces d’habitation dans la région de Tlemcen remontent aux maisons troglodytes datant du néolithique. Tlemcen est mentionnée pour la première fois dans les écrits historiques sous le nom de Pomaria (vergers en latin), qui était alors un camp militaire romain. Sur le site de Pomaria est construite Agadir (remparts en tamazight), qui s’étend progressivement et s’enveloppe à partir du VIIIèmesiècle de remparts et de cinq portes, aujourd’hui connues sous les noms de : Bab el-Hamam, Bab Wahb, Bab el-Khoukha, Bab Ali Kora et Bab el-Aqba.
A partir du XIèmesiècle, les troupes almoravides de Youcef Ibn Tachffine s’installent au nord-ouest sur un site nommé Tagrart (campement en tamazight), qui fusionne plus tard avec Agadir. Suite à cette fusion, qui se solidifie durant le règne de la dynastie Almohade avec l’extension de la ville et l’utilisation du nom Tilimcen (qui deviendra Tlemcen), de nouveaux remparts sont érigés autour de l’enceinte des deux anciens sites et de nouvelles portes sont construites ou renforcées à l’instar de Bab el-Qermadine.
L’expansion de la ville continue durant le règne de la dynastie zianide au XIIIèmesiècle, qui fait de Tlemcen la capitale du royaume et de nouveaux remparts et portes sont construits tels que Bab el-Djiad. La médina compte à son apogée plus de 100 000 habitants, et devient un pôle religieux, scientifique et économique.
Organisée selon un plan radiocentrique dont le noyau est composé de trois pôles – militaire (el Mechouar), religieux (la Grande mosquée) et économique (el Kissaria) – la médina de Tlemcen présente des styles et éléments architecturaux variés qui se sont mêlés au cours des siècles.
On peut ainsi y trouver des pierres romaines utilisées lors de la construction du minaret de la mosquée d’Agadir, une Grande mosquée à l’architecture issue de la période almoravide, un palais el Mechouar avec une architecture zianide, ou encore un Ksar el Beylik influencé par l’architecture ottomane. Mais cette diversité n’est pas qu’architecturale : elle est aussi culturelle. En effet, à la veille de la colonisation française, la médina compte des quartiers pour les Hdars (population musulmane), des quartiers juifs et des quartiers Kouloughlis (population issue en majorité de mariages entre des janissaires, un corps de l’armée ottomane et des femmes de localités algériennes).
La période coloniale française a également profondément transformé le cœur historique de Tlemcen, notamment avec des constructions de style néo-mauresques, à l’instar de la Medersa et Dar el Hadith, mais aussi par l’implantation d’une trame en damier censée suivre une configuration de ville européenne avec une structure viaire large, pour laquelle une partie de la médina est détruite, y compris plusieurs remparts et portes.
Malgré les nombreux bouleversements que Tlemcen a connus, les vestiges de ses remparts et de ses portes servent de points de repère pour identifier les différentes limites de son ancienne médina fortifiée. Ils sont autant d’indices de la longue histoire de la ville, de nouveaux remparts et de nouvelles portes étant construits, modifiés ou détruits au fil de sa croissance. Parmi les nombreuses portes de la médina de Tlemcen, subsistent entre autres les vestiges de Bab el-Hdid et Bab el-Djiad au sud, ainsi que Bab el-Aqba (Porte de la montée) et Bab el-Qermadine (Porte des tuiliers en arabe, car on y rencontre de nombreux fragments de poterie) au nord. Cette dernière est notamment connue pour avoir été le lieu selon certains historiens d’une tentative de meurtre contre Yaghmoracen, fondateur de la dynastie des Zianides.
« Tlemcen était entourée par les murailles comme un halo entoure la lune. »
L’historiographe des rois zianides Yahia ibn Khaldoun
Sur la route menant à Mansourah au sud-ouest de la médina de Tlemcen se dresse une porte d’une autre nature : Bab el-Khemis. Cette porte ainsi que les remparts non loin sont les derniers témoins d’une page encore peu connue de l’histoire de la médina. En effet, au XIVème siècle, les troupes mérinides de Fès érigent dans ce qui est aujourd’hui la commune de Mansourah (victorieuse) un campement militaire et assiègent pendant près de huit ans la médina, alors sous la dynastie zianide d’Abou Said Othman. Des milliers d’habitants de Tlemcen meurent en conséquence et le siège ne prend fin qu’en raison de la mort du sultan mérinide.
De ces années ne restent qu’une partie des remparts ainsi que les vestiges de la mosquée de Mansourah. Le siège de la médina de Tlemcen a été immortalisé avec la pièce de théâtre de Kateb Yacine, Saout el-Nissa (la voix des femmes), qui fait de sa protagoniste – la mère du fondateur zianide Yaghmoracen – l’architecte de l’assassinat du sultan rival mérinide Abou Yacoub Youcef.
« Un esprit, un être invisible aurait eu de la peine à pénétrer dans la cité. »
Ibn Khaldoun
Tlemcen accueille en 2011 l’événement « Tlemcen, capitale de la culture islamique » et bénéficie alors de nombreux projets culturels, y compris de restaurations, visant à valoriser le patrimoine de la ville. Depuis, Tlemcen et ses sites historiques sont devenus une destination touristique privilégiée, restituant une partie de l’éclat de celle qui a été la capitale du Maghreb central.